Chœur/Cohorte, 2024

Installation sonore, Le Couvent Levat, Marseille

Feuilles de tôles d’acier laminé, accastillage, excitateurs audio, haut-parleurs, radio-cassette, 35 min

Voix : Ife Day, Cy Lecerf Maulpoix, Jérémie Nicolas

Chœur/Cohorte réactive un dispositif mis en place par les anciennes Sœurs du Couvent Levat qui, durant les messes, faisaient chanter le chœur depuis une petite chapelle, jouxtant la grande, afin que l’audience puisse l’écouter sans le voir. Cette situation acousmatique dessine une condition d’écoute contradictoire, à la fois tendue vers l’objet et en déprise avec lui. Auguste Payan d’Augéry, dans un texte sur la vie de la fondatrice l’ordre, décrit leur dévotion radicale dans des termes tout aussi paradoxaux, étonnamment proches de l’expérience tragique chez Nietzsche. Le réel y est pensé comme duel, le dithyrambe renvoyé à une double porte et le chœur décrit comme un mur vivant, tandis que l’image d’un individu appelé à se rassembler au moment de sa dissolution apparaît comme la parfaite traduction de l’effet tragique nietzschéen : une rencontre entre rêve et ivresse, le retentissement d’un cri d’épouvante au plus fort de la joie, l’entremise de la forme apollinienne et du chaos dionysiaque. Pensée comme une performance sans performeur, Chœur/cohorte joue sur l’épuisement de l’attention et la surprise. On y entend se succéder des chœurs à peine audibles, déjouant ses normes d’écriture traditionnelles ou reprenant la structure de la deuxième Symphonie de Mahler, une radio-cassette qui diffuse des témoignages potentiellement réels, des portes d’acier qui bruissent puis une interruption qui laisse place à un discours plus autoritaire. Le parallèle entre la liturgie des Victimes et le tragique de Nietzsche est déterminant pour nommer leur croyance et question communes : l’événement esthétique comme le miracle arrivent-ils toujours sans prévenir, si ce n’est du fait même d’y croire ?